L’année 2021 du Ciné-Club de M.Bobine a été marquée par 3 événements importants. Tout d’abord,  en février, nous avons atteint le cap des 100 épisodes. Comment avons-nous marqué le coup ? Tout simplement en livrant l’épisode le plus long de la chaîne, et de loin puisqu’il affiche carrément la durée d’un long-métrage ! Pendant une heure et quart, il y est exclusivement question de l’attachant cinéaste Stephen Sommers et film qui a complètement fait dévisser sa prometteuse carrière en 2004 :  Van Helsing. C’est moi qui me suis chargé d’écrire une première version de l’épisode, qui ne devait pas dépasser la demi-heure. Après quoi, j’ai passé le flambeau à Julien Pavageau, taulier historique de la chaîne et probablement plus grand fan au monde de Stephen Sommers, qui a donné à ce 100e Ciné-Club sa forme définitive.

Par la suite, au printemps,   nous avons pu bénéficier de l’aide financière du CNC qui récompense les contenus numériques favorisant la transmission du savoir et de la culture. Et puis en novembre, il y a eu la publication par Third Editions du livre L’œuvre des Wachowski. La matrice d’un art social, écrit à six mains par mes confrères Aurélien Noyer, Yoan Orszulik et Julien Pavageau.

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L'édition First Print de L'oeuvre des Wachowski, la matrice d'un art social

Pendant que mes camarades se lançaient dans ce défi de taille consistant à livrer en 200 et quelques pages une analyse transversale de la filmographie foisonnante de Lana et Lily Wachowski, j’ai continué d’oeuvrer pour le ciné-club de M.Bobine à mon nouveau rythme de 2 épisodes par an. Le premier est un gros morceau de quasiment une heure consacré à l’une des figures les plus attachantes du cinéma US moderne : Judd Apatow.  Producteur de 25 films (dont 6 qu’il a réalisé lui-même) et de 5 séries télé, il a été qualifié un temps de “roi de la comédie américaine”, en raison des immenses succès publics qu’il a rencontrés au carrefour des années 2000 et 2010 (40 ans toujours puceau, Supergrave, Frangins malgré eux, Mes meilleures amies, etc) et de son flair exceptionnel pour dénicher de nouveaux talents comiques. Mais au-delà de ça, Apatow, c’est aussi un goût très marqué pour l’improvisation, les histoires personnelles et la complexité des rapports humains. Au point qu’avec lui, l’expression “franche rigolade” prend véritablement tout son sens.

Après avoir dévoré la passionnante autobiographie d’Oliver Stone À la recherche de la lumière, j’ai enchaîné avec un épisode dédié au film le plus personnel du réalisateur : Platoon. Inspiré en grande partie de son expérience de soldat au Viêt Nam, ce projet aura mis 10 longues années à se concrétiser. À sa sortie, le film a été salué par les vétérans comme celui qui aura le mieux su reconstituer leur quotidien sur le front, y compris dans ses aspects les moins reluisants. Mais la justesse du regard d’Oliver Stone suffit-elle à expliquer pourquoi le premier volet de sa “trilogie vietnamienne” (qui comprend également Né un 4 juillet et Entre ciel et terre) a tant marqué les esprits ? Ne faudrait-il pas aller chercher aussi du côté de sa dimension politique ? Voire allégorique et même, n’ayons pas peur des mots, mythologique ?

Réalisé il y a 30 ans tout rond, Cœur de tonnerre est loin d’avoir connu le même succès que Platoon. Pour sa première diffusion à la télévision aux États-Unis, il a même été remonté et légèrement accéléré pour passer sous la barre des 90 mn, au grand désespoir de son réalisateur qui a préféré faire remplacer son nom par celui du traditionnel Alan Smithee. Décédé en janvier 2021, Michael Apted laisse derrière lui l’image d’un cinéaste touche-à-tout, compétent mais sans génie. Pourtant, quand un sujet le passionnait vraiment, il étauit capable de pondre des œuvres puissantes et singulières. C’est le cas selon moi de ce Coeur de tonnerre, qui entend mettre en lumière le triste sort réservé aux Native Americans après la fin des guerres indiennes. Son propos militant est rendu encore plus explicite par un documentaire réalisé dans la foulée, Incident à Oglala, qui lui tente carrément de réparer une grave erreur judiciaire. Pour savoir si Apted a obtenu gain de cause, il ne vous reste plus qu’à cliquer sur les lèvres de Val Kilmer !

L’idée d’un épisode consacré à Canal+ et à ses relations avec le monde du cinéma est née dans le courant de l’année 2021. Au final, il aura fallu plus d’un an entre la première ébauche de réflexion et la mise en ligne du résultat de nos efforts. Cet épisode a bien failli ravir au n°100 évoqué plus haut le titre de vidéo. Il s’en est fallu de très peu : 73 minutes contre 76 ! Cette durée épique était à prévoir. Canal+, en effet, c’est près de 4 décennies d’émissions plus ou moins cultes, mais aussi d’ambitions expansionnistes, de réussites éclatantes, d’échecs cinglants et de trahisons shakespeariennes.

Pour traiter comme il se doit cette histoire mouvementée, deux auteurs, ce n’était clairement pas de trop ! À moi donc la première partie, qui revient sur les débuts quelque peu laborieux, le contrat nuptial passé avec le cinéma français, l’émergence du fameux « esprit Canal », la mainmise sur le festival de Cannes dans les années 90 et l’aventure hollywoodienne qui a connu des hauts (la fusion Vivendi-Universal) et des bas (le déconfiture Carolco). Mon compère Yoan Orszulik, lui, s’est concentré sur la période, finalement assez courte, où Canal+ a pesé de tout son poids pour bousculer le ronron du cinéma hexagonal. Il y a d’abord eu le soutien apporté à des projets atypiques comme La Haine de Mathieu Kassovitz, Bernie d’Albert Dupontel, Dobermann de Jan Kounen ou Seul contre tous de Gaspar Noé. Après quoi, la chaîne est passée à la vitesse supérieure en finançant ces deux “blockbusters d’auteur” que sont Le pacte des loups et Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre. Deux énormes succès sortis à un an d’intervalle mais qui, malheureusement ne laisseront quasiment aucun héritage et deviendront vite les vestiges d’une époque révolue. Celle où Canal semblait être une chaîne pas comme les autres, portée par des gens talentueux avec de vraies envies de cinéma. Visiblement, nous ne sommes pas les seuls à ressentir un brin de nostalgie pour l’ère Lescure / De Greef puisque ce nouvel épisode XXL a atteint en 2 mois les 80 0000 vues, ce qui en fait le plus vu de la chaîne pour l’année 2022.

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