Le principe est le même que pour Hobbits et Jedi. En 2005, j’ai appris que la collection CinémAction préparait une anthologie d’articles consacrés aux grands monstres du 7e Art et je leur ai proposé un texte sur le réalisateur néo-zélandais Peter Jackson (Braindead, Le Seigneur des Anneaux, King Kong, pour ne citer que ses films les plus connus). Après validation par le coordinateur Albert Montagne, je me suis mis au travail et, quelques semaines plus tard, j’ai rendu un article d’environ 4500 mots, qui n’a quasiment pas été retouché. 

Les monstres, du mythe au culte, numéro 126 de Le numéro CinémAction, a été publié début 2008. Je vous propose de lire ici l’introduction de mon article.

 

Peter Jackson est né à Wellington, capitale de la Nouvelle-Zélande, le 31 octobre 1961, soit le jour de la fête d’Halloween. Comme s’il avait vu dans cette date pour le moins évocatrice un signe du destin, le cinéaste, dont la vocation naît très tôt, va se consacrer essentiellement au fantastique, revisitant (et revivifiant) différents genres bien balisés : film d’invasion extraterrestre (Bad Taste), de zombies (Braindead), ghost comedy (Fantômes contre fantômes) ou encore heroic fantasy (la saga du Seigneur des anneaux). Les monstres en tous genres abondent donc dans la filmographie du néo-zélandais, y compris dans ses œuvres non estampillées fantastique. Les marionnettes hystériques des Feebles, les adolescentes assassines de Créatures célestes et le réalisateur maudit du « documenteur » Forgotten Silver sont tous des monstres à leur manière. Mais des monstres tragiques, attachants, émouvants, que Jackson filme avec un profond attendrissement, comme il le fera plus tard avec le Gollum du Seigneur des anneaux et, bien entendu, King Kong

Aujourd’hui, alors que le cinéaste vient de rendre un vibrant hommage au roi des monstres, il semblait approprié de revenir sur une carrière aussi exceptionnelle que cohérente. Une carrière qui a débuté, non pas avec Bad Taste, le film semi-professionnel qui fit connaître le réalisateur kiwi au monde, mais avec un remake de … King Kong.

C’est à l’âge de 9 ans que Peter Jackson découvre, au cours d’un pluvieux après-midi devant la télévision, le chef d’œuvre de Merian C. Cooper et Ernest B. Shoedsack. Le film est pour lui une foudroyante révélation : « J’étais complètement captivé par le cocktail de fantasy, d’aventures et de mystère qu’il dégageait. J’étais marqué à jamais ». Nouvelle interpellation du destin, la famille Jackson s’est offerte pour le Noël précédent une petite caméra Super 8. Le jeune Peter, fils unique et bricoleur dans l’âme, a tout naturellement hérité de l’objet, avec lequel il entreprend de signer son propre remake de King Kong. Soucieux de se montrer digne de Willis O’Brien, légendaire superviseur des créatures du film original, le réalisateur en herbe attend patiemment son heure pour entrer dans la légende, préférant d’abord mettre en boîte quelques petits films de guerre dans le jardin familial de Pukerua Bay.

Couverture Cinémaction n°126

La production de King Kong version Jackson commence enfin en 1974 … pour s’arrêter aussitôt. « J’étais tout de même arrivé à construire un modèle réduit de l’Empire State Building, et j’avais peint un décor de fond sur un vieux drap de ma mère pour le ciel. J’avais même mon petit modèle miniature de King Kong et quelques dinosaures … mais ce n’est jamais allé plus loin que ça ». Autant les monstres préhistoriques, sculptés en plasticine, le convainquent, autant la marionnette du grand singe, qu’il s’efforce d’animer avec une caméra ne permettant pas les prises de vues image par image, ne possède ni l’allure ni la fluidité souhaitées. Réalisant que ses moyens ne sont peut-être pas à la hauteur de ses ambitions, le jeune Peter remet à plus tard son grand projet. Cet échec, toutefois, ne modifie en rien sa vocation, et, deux ans plus tard, Jackson met en scène, dans son premier chef d’œuvre, The Valley, un cyclope géant que l’on jurerait sorti du Septième voyage de Sinbad.

A la fin des années 70, le cinéaste décide de passer au long métrage et lance la production d’un film de vampires baptisé Curse of the Gravewalker, qui se veut dans la mouvance des gialli italiens et autres zombie flicks alors en plein Âge d’Or. Après plus de douze mois d’un travail acharné, Jackson parvient à mettre la main sur une Bolex 16 mm d’occasion, dont la définition s’avère nettement supérieure à celle de son antique Super 8. Pressé de manier son nouveau jouet au plus vite mais peu enclin à retourner entièrement les scènes déjà mises en boîte, le néo-zélandais décide donc de mettre de côté son film de vampires (1) et de démarrer une toute nouvelle aventure, toujours marquée par le sceau du gore, qu’il intitule Roast of the Day. Jackson ignore encore que ce douzième court métrage deviendra, au fil du temps, le film qui lancera définitivement sa carrière : le bien nommé Bad Taste.

(1) Qui reste toujours inachevé à ce jour. Sur le plateau du Seigneur des anneaux, profitant de la présence dans son casting de Christopher Lee, le légendaire Dracula de la Hammer, Jackson envisagera d’y apporter les dernières touches, avant de déclarer forfait pour cause de planning surchargé.

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