Ce qu’il y a de chouette quand on écrit des textes pour Le ciné-club de M.Bobine, c’est qu’on peut s’autoriser n’importe quel angle et n’importe quelle durée (dans la limite du raisonnable) pour causer de cinéma. Du coup, après avoir tenté des focus sur un duo de producteurs (Don Simpson et Jerry Bruckheimer), une année (1999) et un effet spécial (le de-aging), j’ai eu envie de m’intéresser à … une ville.
Avec ses 2,7 millions d’habitants, Chicago (également connue sous les noms Windy City ou Second City) est la la troisième ville des États-Unis en termes de population. Dès lors, il n’y a à priori rien d’exceptionnel à la voir figurer juste derrière les incontournables New York et Los Angeles en termes de présence sur le grand écran. Pourtant la représentation de Chicago au cinéma aura connu des hauts et des bas tout au long du 20ème siècle. On peut même carrément parler de traversée du désert entre les années 30 et 50, où les tournages sur place se comptent sur les doigts d’une main.
Le retour de Chicago s’amorce timidement à la fin des sixties, alors que le système des studios vacille et que la nouvelle génération n’aspire qu’à filmer dans des décors authentiques. Mais c’est à l’aube des glorieuses 80’s, avec Les Blues Brothers, que la renaissance s’accomplit réellement. John Belushi et Dan Aykroyd sont très loin d’être les seuls à chanter joyeusement ♪Sweet Home Chicago♫ En effet, dans les décennies suivantes, des dizaines et des dizaines d’artistes vont se relayer consciencieusement, pour déclarer par films interposés leur amour infini pour leur ville de naissance ou de cœur. Citons quelques noms : Michael Mann, David Mamet, Harold Ramis, John Hughes, Mike Myers, John Cusack, Andrew Davis ou encore les sœurs Wachowski.
Il m’aura fallu quelques longs mois pour faire le tri au milieu d’un corpus assez gigantesque de films exploitant plus ou moins habilement l’histoire et la géographie de Chicago (et au moins autant à mon camarade Julien Pavageau pour assurer le montage de l’épisode !). J’espère que le résultat rend à peu près justice à cette ville de cinéma unique en son genre dont il faudra bien que j’aille un jour arpenter les rues pour de vrai !
En 2018, peu de temps après avoir bouclé l’épisode de M. Bobine sur le Côté Obscur de Steven Spielberg exprimé au travers de son rapport compliqué avec Indiana Jones et le temple maudit, je me suis dit que ce serait intéressant de faire à peu près la même chose avec son copain George Lucas et sa grande œuvre, Star Wars. Vu le nombre d’exégèses déjà consacrées à cette saga foisonnante et ultra populaire, j’ai préféré me concentrer de nouveau sur un point très spécifique. À savoir le personnage de Dark Vador et la révélation de sa véritable identité à fin de L’Empire contre-attaque dans ce qui est considéré généralement comme le plus grand twist de l’histoire du cinéma.
À quel moment précis cette décision créative a-t-elle été prise ? S’agit-il d’une idée aussi ancienne que la saga attendant sagement l’heure d’être dévoilée au public ou plutôt d’un coup de génie tardif ? À qui le doit-on dans ce cas-là ? Et quelles conséquences exactes a-t-elle eu sur la suite de la saga ? Des questions assez simples, vous en conviendrez, qui appellent logiquement à des réponses du même acabit. Mais la réalité, c’est tout ceci baigne depuis 4 décennies dans un brouillard digne de la planète Dagobah, où l’on a vite fait de se perdre si l’on se contente de se fier à ses intuitions personnelles et aux déclarations de Lucas et de ses collaborateurs qui frisent parfois le mensonge éhonté.
Pour tenter de démêler le vrai du faux, il m’a fallu compulser et croiser de très nombreuses sources (parmi lesquelles les différentes versions des scripts et les très volumineux Making-of de Star Wars de J.W.Rinzler). Au final, entre l’idée initiale de l’épisode et sa mise en ligne, il se sera passé à peu près 5 ans, soit une année de plus que ce qu’il a fallu à George Lucas pour concevoir entièrement le premier épisode de Star Wars ! Après, contrairement à lui et pour le bien de ma santé mentale, je me suis régulièrement autorisé des pauses de plusieurs mois, le temps de signer d’autres épisodes de M. Bobine plus simples à finaliser.
Cette minutieuse enquête sur les origines de Dark Vador, qui se transforme peu à peu en réflexion sur les rapports complexes qu’un créateur peut avoir avec sa création, a donné lieu au plus gros épisode de la chaîne à ce jour avec ses 75 minutes bien remplies. Mais n’ayez pas peur de plonger dedans, hein ! Car comme tout le monde le sait, la peur mène à la colère, la colère mène à la haine, et la haine mène au Côté Obscur…